Louis XIV, souverain européen #1

Par Alexandru Ojica

À l’occasion du trois centième anniversaire de la mort du Roi-Soleil, le mensuel roumain Historia revient sur le destin du premier monarque de stature véritablement continentale.

Splendeur, ordre et cynisme. Ou élégance, dévouement et droit divin. Ou encore soleil, art et conséquence. Tous ces mots pris ensemble brossent le portrait de celui qu’on considéra à sa naissance comme “Dieudonné”, car né du roi Louis XIII et de sa femme, Anne d’Autriche au bout de vingt-trois ans de mariage. Il s’agit, bien évidemment, de Louis XIV – dont la France a commémoré, le 1er septembre dernier, le 300e anniversaire de son passage dans l’éternité.

Louis XIV (1638-1715), le roi qui, semble-t-il, n’a jamais affirmé “l’Etat c’est moi”, mais qui s’est comporté comme tel, est certainement la personnalité historique la plus appréciée par les Français. Des 18 souverains qui ont porté ce nom, il est le seul à être resté dans la postérité en tant que Louis le Grand. Si son père, Louis XIII, a créé une monnaie d’or qui portait son nom et qui a circulé même jusque dans les principautés roumaines – ramenée soit par les commerçants, soit par le diplomate roumain Nicolae Milescu Spatarul, après sa visite en France (un ludovic, deux ludovics, disait-on alors), celui qui était surnommé le Roi-Soleil a été l’incarnation du droit divin. Mais c’est aussi lui qui a créé l’institution de l’Etat français centralisé.

Louis frôle plusieurs fois la mort

Devenu roi très tôt (à 5 ans), c’est à 22 ans,  en 1661, peu après la mort de son mentor, le cardinal Mazarin, il a surtout le courage inouï de se concevoir comme un authentique repère dans l’histoire de la France, et du monde entier. L’abbé de Choisy rapporte, au chapitre II de ses Mémoires, que, l’archevêque de Rouen avait dit au roi : “Sire, j’ai l’honneur de présider à l’assemblée du clergé de votre royaume. Votre Majesté m’avait ordonné de m’adresser à M. le cardinal pour toutes les affaires : le voilà mort ; à qui veut-elle que je m’adresse à l’avenir ? — A moi, M. l’archevêque”, aurait répondu le roi.

L’éducation formelle de l’héritier du trône a été caractéristique de celle des membres de l’aristocratie de cette époque. S’il semble que les mathématiques et la géographie n’aient pas été le fort de Louis XIV, il parlait bien l’espagnol et l’italien, maîtrisant également toutes les subtilités de sa langue maternelle. Préfigurait-il l’homme européen d’aujourd’hui ? On lui a appris à faire du cheval, à tirer, à danser. L’éducation religieuse que lui donne sa mère, dans un esprit catholique, ne lui offre pas une connaissance profonde des problèmes théologiques. Dans son enfance, Louis frôle plusieurs fois la mort, au point qu’on lui a même administré les derniers sacrements. Si l’homme médiéval avait une très bonne mémoire, qu’il exerçait presque naturellement, l’homme des temps modernes commence déjà à ressentir d’une manière différente l’héritage culturel de ses prédécesseurs. Conservateur dans plusieurs domaines, le Roi Soleil s’est montré pourtant innovateur dans les aspects pratiques de sa politique.

Il a été, par exemple, son propre Premier ministre. Dans son concept de “raison d’Etat”, le roi est le représentant de la divinité sur Terre. Il gouverne son pays à l’aide de son appareil bureaucratique et de son armée, sans qu’il soit obligé de justifier ses actes devant le parlement. Louis XIV a le mérite d’avoir centralisé l’institution de l’Etat français, dans l’acception moderne du terme, et de l’avoir placé au cœur de son activité politique.

Un système de collecte des taxes efficace

Un des premiers effets de sa politique absolutiste  a été l’apparition d’une bureaucratie et d’une administration unitaires, qui se sont efforcées de limiter la sphère d’action et d’autonomie des institutions locales, comme leur désir de participer aux actes de politique centrale. Le système de collecte des taxes était un des plus efficaces de l’époque, ses résultats étant visibles dans tous les aspects de la vie publique. Le pouvoir vise à promouvoir le commerce et l’industrie française, afin de réduire les importations. Les entreprises nationales produisent d’abord pour l’Etat. Pour la France, c’est une période de grande créativité et d’inventivité – ses innovations engendrant d’ailleurs des changements sociaux et urbains. De nouvelles professions apparaissent : couturiers, chefs de cuisine, décorateurs d’intérieur, tapissiers, antiquaires, commerçants de diamants, parfumeurs. Les premiers cafés de luxe datent de cette époque. De même les magazines de mode illustrés.

On dit que Louis XIV n’aurait pris que deux bains dans toute sa vie, et encore, sur l’insistance des médecins ! Plutôt que de se laver, il préférait qu’on lui essuie la peau avec un chiffon trempé dans l’alcool, procédure suivie par l’application d’une poudre parfumée. La cour de Louis XIV portait le nom de “cour parfumée” parce que, vers la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe, s’est produite une importante révolution olfactive. Les parfums de l’époque contenaient des essences fortes, afin de couvrir les odeurs désagréables produites par le manque d’hygiène. Le développement de la vie sociale aboutit à des inventions qui ont laissé leur empreinte sur le style quotidien de vie jusqu’à nos jours : les parfums, les grands miroirs, les techniques de polissage des diamants ainsi que les techniques de fermentation du champagne, la création d’un mobilier plus confortable, garni de coussins.

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Article d'Alexandru Ojica publié dans la revue La Aventura de la Historia, le supplément du journal El Mundo, en septembre 2015.

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