Louis XIV à Notre-Dame de Paris

Par Jean-Pierre Cartier

Le 10 février 1638, le roi Louis XIII signait à Saint-Germain les lettres patentes par lesquelles il rendait la célèbre ordonnance dont l’édition officielle est intitulée « Déclaration du roy par laquelle Sa Majesté déclare qu’elle a pris la très saincte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de son royaume ». Ce « vœu de Louis XIII » constitue un texte quasi mystique et tout imprégné de l’esprit du concile de Trente (1545-1563) et de la spiritualité française de la Contre-Réforme :

 

Nous avons déclaré et déclarons que, prenant la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre État, notre couronne et nos sujets, la suppliant de nous vouloir inspirer une sainte conduite et défendre avec tant de soin ce royaume contre l’effort de tous ses ennemis, et que, soit qu’il souffre le fléau de la guerre, ou jouisse de la douceur de la paix, que nous demandons à Dieu de tout notre cœur, il ne sorte point des voies de la grâce qui conduisent à celles de la gloire.

 

Louis XIII, en promulguant le vœu comme loi fondamentale du royaume enregistrée par le Parlement de Paris, se doit d’en assurer la pérennité au long des siècles, notamment par la mise en place à la cathédrale Notre-Dame de Paris d’un nouveau maître-autel dédié à la Vierge où celle-ci serait représentée tenant entre ses bras le corps de son Fils descendu de la Croix, marquant ainsi le lien profond entre l’incarnation et la Rédemption.

En 1698, Louis XIV demanda à Mgr Louis-Antoine de Noailles (1651-1729), archevêque de Paris de 1695 à 1700, qui serait créé cardinal en 1700, d’étudier, sous l’autorité de Jules Hardouin-Mansart, premier architecte du roi, une nouvelle décoration du sanctuaire en accomplissement du vœu de son père.

L’archevêque de Paris, Mgr de Noailles, entouré de son chapitre, bénit et posa le 7 décembre 1699 la première pierre du nouvel autel de Notre-Dame de Paris.

En fait, en raison des dépenses considérables liées à la guerre de Succession d’Espagne (1701-1714), Louis XIV ne disposait plus des moyens financiers pour l’exécution des travaux du vœu. Aussi à partir de 1703, on simplifia les ouvrages initialement prévus et on en revint à un maître-autel situé au fond du chœur avec notamment l’abandon du baldaquin. En 1708, le don exceptionnel du chanoine Antoine de la Porte, grand bienfaiteur de Notre-Dame, permit la reprise des travaux sous la direction de Robert de Cotte, devenu premier architecte du roi. Les travaux allaient durer jusqu’en 1725, mais ils étaient suffisamment avancés pour pouvoir rendre le cœur au culte le 22 avril 1714 à l’occasion du Te Deum chanté pour célébrer le traité de Rastatt.

D’une façon générale, toute la décoration fut réalisée par les meilleurs artistes de l’époque, ceux-là même qui travaillaient à Versailles et dans les palais royaux.

Le vœu proprement dit est matérialisé par un très beau groupe baroque de trois statues d’excellente qualité. Au centre, une vierge de pitié, œuvre de Nicolas Coustou, représente Marie au pied de la Croix éplorée devant le cadavre de Jésus, exprimant la douleur d’une mère et sa parfaite soumission à la volonté de Dieu. À droite, on voit la statue du roi Louis XIII à genoux remettant à Marie sa couronne et son sceptre. Cette œuvre de Guillaume Coustou, réalisée en 1715, reprend à peu près les éléments du célèbre tableau de Philippe de Champaigne. De l’autre côté de la Pietà, une magnifique œuvre d’Antoine Coysevox représente le roi louis XIV en roi « très chrétien », la main sur le cœur, assurant Marie de sa fidélité. Pierre du Colombier la décrira comme « l’une des images les plus puissantes du roi dans ses dernières années, un peu empâté, et qui dépouille devant Dieu sa superbe ».

Au pied de ce nouveau maitre autel, le soir du 4 septembre 1715, à 11h du soir, dans la plus grande simplicité, les entrailles de Louis XIV furent déposées dans le caveau qui renfermait déjà celles de son père, le roi Louis XIII.

Par Jean-Pierre Cartier, né en 1944, agrégé d’histoire-géographie et professeur émérite au lycée Hoche de Versailles. Membre de l’association CaSa, il a collaboré à plusieurs monographies sur la cathédrale Notre-Dame de Paris. actuellement, il exerce la fonction de maître des cérémonies de la cathédrale.