Les valets de Louis XIV : au plus près du roi

Par Mathieu DA VINHA

La dernière maladie de Louis XIV débuta officiellement le 10 août, après son retour de Marly. Pourtant, « il y avait plus d’un an que la santé du Roi tombait. Ses valets intérieurs s’en aperçurent d’abord et en remarquèrent tous les progrès, sans que pas un osât en ouvrir la bouche » raconte le duc de Saint-Simon, l’un des observateurs de l’époque. Personne n’osait imaginer que ce monarque, qui avait déjà régné plus de soixante-douze ans, pût mourir. Il avait déjà été sauvé à maintes reprises de plusieurs problèmes de santé.

Seuls les officiers domestiques de Louis XIV étaient constamment avec lui. Tandis que les grands courtisans défilaient alternativement dans la chambre royale, les commensaux de la Chambre et de la Garde-robe occupaient à plein-temps leur fonction – le roi étant alité. Ainsi les Frères Anthoine, porte-arquebusiers et garçons de la chambre, tinrent un Journal, à l’instar de celui que tint leur père lors de la mort de Louis XIII.

Dans cette « relation », les domestiques sont omniprésents. Ce sont eux qui assurent les soins quotidiens, notamment ceux liés à la maladie. Le marquis de Champcenetz, premier valet de chambre de quartier, apporte un précieux soutien à son maître. Aidé des garçons de la chambre, il lève le roi, le place dans son fauteuil, le change de linge. De même, Blouin – comme plus proche domestique de Louis XIV – apparaît toujours dans l’ombre du roi. Il est le premier à désespérer ouvertement de la vie du roi. Les Frères Anthoine notent : « Les medecins commencèrent icy a mal augurer de cette maladie et M. Blouin premier valet de chambre de Sa Majesté, dit assez haut même, que tout le monde avoit bien peur que cette maladie ne devint très sérieuse, et qu’il seroit bien a propos de faire venir les plus habiles medecins de la faculté de Paris pour conférer avec eux que l’on ne pouvoit prendre trop de precaution en pareille occasion. ».

C’est donc, étrangement, un premier valet de chambre qui prend l’initiative de s’occuper sérieusement de la santé de son maître, la Faculté ne jugeant pas son état suffisamment alarmant ! à partir du 15 août, les valets de chambre passèrent donc leur temps à panser la jambe gangrenée du roi et à l’assister. Blouin poussait le roi dans un fauteuil à roulette lorsque celui-ci souhaitait – et surtout pouvait – se déplacer.

Le 26 août, alors que l’état du roi ne cesse de se dégrader, Louis XIV entend lui-même remercier ses officiers. Il demande au duc de Tresmes, premier gentilhomme de la chambre en année, de convier tous les officiers qu’il trouvera. Face à la mort, le roi apparaît plus humble et se livre à un véritable témoignage de reconnaissance. De nouveau, les Anthoine consignent dans leurs mémoires : « Sa Majesté qui avoit fait tirer les rideaux de son lit pour les voir, leur témoigna avec beaucoup de tendresse la satisfaction quelle avoit de leurs services quelle avoit remarqué qu’en toute occasion ils les luy avoient rendus avec toute l’affection et la fidelité possible, que s’il leur avoit donné quelque petit sujet de chagrin ou de mecontentement, il leur en demandoit pardon ».

Par Mathieu da Vinha, Directeur scientifique du Centre de recherche du château de Versailles. Les Valets de chambre de Louis XIV, Perrin, coll. « Tempus », 2009.